vendredi 14 août 2015

Empaler les biches

Photo: Martin Waldbauer

- Roger, la vie ça prépare pas les types comme moi à empaler des biches.
Imagination. Repli de défense. Urgent besoin de déni. Cela pouvait être, et c'était souvent ce que son imagination choisissait, une salle d'attente d'ophtalmo. L'escalier à la barre invisible, le plancher qui craquait, les magazines de Femmes Actuelles négligemment dérangés sur la petite table au centre des chaises en perdition...c'était une ambiance qui lui allait. Dans un coin, une caisse de cubes en bois et un chien jaune à roulettes constituaient l'espace d'attente des enfants. Bien droit sur sa chaise, il observait les jambes en collants des dames se croiser et se décroiser ou les mains nerveuses des messieurs tourner les pages des hors-séries "spécial ventre plat".
S'ensuivait alors un processus de mise en condition qui lui soulevait la pilosité d'aise. Il s'imaginait rentrer chez lui, à la campagne, cuisiner une blanquette. Prendre une douche bien chaude puis traîner en pantoufles, la lumière allumée à 18h, le bruit de fond du Lepers dans le salon, la perspective enfin...d'un présent repu et d'un lendemain sans surprise.
- Tu veux dire que c'est devenu ta passion? La chasse...
- Je veux dire que je connaissais ta fille, Roger.

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