Vider
sa maison d'enfance c'est la claque brutale qui te montre tout ce qui disparaît. Ce qui ne sera plus. Finalement cela te montre aussi ce
qui n'a jamais été. Tu ressors tes affaires d'enfant mais tes yeux
n'ont plus la saveur pour savoir les voir comme il le faudrait.
Doudou
est minuscule. Il pue. Loin, loin de la chose que vous aimiez le plus
au monde au parfum unique, orgasmique, des dodos sans cauchemars. Il
n'existe plus et vous non plus. Plus comme ça.
Etre
adulte et avancer, en définitive, c'est quotidiennement,
inlassablement, vider sa maison d'enfance. Et le mec est minuscule.
Et il pue. Loin, loin de la personne que vous aimiez le plus au
monde, au parfum magique, orgasmique, des dodos lupanars.
Regarder
ses trésors dans un carton c'est se dire qu'inéluctablement la vie
n'est que ça. Un trésor. Un carton. Un trésor. Un carton.
Au
carton mon trésor, alors.
C'était
un peu ce que Gaby se disait, là, devant le carton posé sur la
table basse de sa chambre d'hôtel. Lorsqu'il l'avait ramené de chez
Roger, il avait d'abord rougi violemment en reconnaissant l'écriture
ronde et délicate. Puis la peur dans le bide s'était insinuée,
face de rongeur pris en faute, langue de serpent frétillant de
l'apex entre les lèvres, il avait regardé successivement à gauche
à droite se sachant pourtant seul. Et il demeurait comme un con,
épluchant les peaux de ses mains délicates d'intello sans oser
l'ouvrir.
Il
n'était plus rentré à la maison depuis qu'il avait rendu la
petite. Les appels de sa femme se succédaient. Demain, il avait
rendez-vous à l'usine de chemises cartonnées.